Après 17 ans d'un type de pratique qui m'oblige au résultat avec des cas tous chaque fois différents, il me devient difficile de souscrire à la compréhension commune des qualités physiques. Ces fameuses qualités physiques force, endurance, vitesse, explosivité blablablabla.... Comme évoqué dans un autre article ces dites 'qualités sont toutes exprimées dans des contextes bien spécifiques et, si l'on réfléchit bien, demeurent très difficilement généralisables. Les meilleurs cyclistes font souvent de piètres marathoniens.Ils ont pourtant des VO2max similaires et utilisent leurs membres inférieurs dans leur activité.
De même, je soutiens souvent que ce n'est pas rendre service à des patineurs que de les faire courir pour augmenter leur 'endurance' de façon à ce qu'ils 'tiennent' les 4min d'effort demandées dans leur programme. Même si les meilleurs sont ceux qui expriment les plus importantes VO2max sur patin. Pourtant la pratique est extrêmement courante.
Pourquoi cela?
Je dois à Pierre Jean Vazel, il y a quelques années, la connaissance de cette définition de Kurt Meinel:
La structure fondamentale du mouvement est composée du rythme spécifique couplé aux qualités de fluidité, précision,constance, intensité, vitesse et amplitude.
Kurt Meinel
Cette citation exprime ma pensée d'alors et d'aujourd'hui plus éloquemment que je ne pouvais le faire.
La qualité de mouvement est centrale. Les soi-disantes qualités sont toujours mesurées dans le contexte d'un mouvement bien précis et ne peuvent être universelles. La force en tant que qualité est presque toujours mesurée sur un appareillage résistant un mouvement. Cependant si l'on garde en tête la définition du mouvement ci-dessus on peut voir les différentes sources d'influence de la force exprimée dans celui-ci.
L'amplitude par exemple peut permettre une résultante de force plus ou moins importante. Un chemin d'application de force plus long et donc un temps plus long résulte en un pic de force plus haut.
Le rythme spécifique est la coordination intermusculaire qui permet aux groupes musculaires d'avoir les meilleurs leviers aux bons instants. Ainsi les athlètes aux membres courts sont avantagés en laboratoire ( bras de levier monoarticulaire plus court) mais souvent désavantagés sur des mouvements réels de terrain et complets.
La qualité de mouvement est donc bien plus complexe et multifactorielle et c'est elle qui détermine la performance. L'endurance n'est que la répétition de la production de force à l'intérieur d'un mouvement, pas une qualité intrinsèque. On peut comprendre facilement qu'un mouvement de qualité possède un bon rendement énergétique, moins d'énergie métabolique pour le même rendement mécanique.
De façon contre intuitive, il est de mon observation qu'un mouvement de qualité 'permet' ou 'accepte' la mobilisation de puissance métabolique supérieure. Sur des mouvements très courts tels les lancers (moins de 2s) j'ai observé des différences de montée de fréquences cardiaques très importantes dans le geste entre les athlètes de qualifications différentes. Les athlètes à la technique la plus saine voyaient leur FC monter de façon bien plus importante que ceux de qualification moins importante. Les mêmes athlètes, mesurés sur des mouvements qu'ils ne maîtrisent pas cette fois-ci, se retrouvent avec une cinétique de FC qui ressemble à celle des athlètes peu qualifiés. De là à penser qu'il y aurait une relation d'inhibition/desinhibition entre la ' qualité de mouvement' et l'expression des fameuses qualités physiques, il n'y a qu'un pas que j'ai franchi il y a longtemps.
Pour en revenir à nos patineurs, ceux-ci sont moins bons parce que leurs schémas de patinage inhibent leur production de puissance. Plutôt que de les faire courir à la recherche d'un transfert d'endurance qui ne vient pas, leur rendre service est d'améliorer les facteurs qui les limitent dans leur mouvement spécifique. Cette approche mène immanquablement à une meilleure 'endurance' sur la glace, une grande aisance vers la fin de leur programme. Je ne peux me targuer d'études scientifiques mais ces athlètes vous le confirmeront tous, leur coach aussi. Pour les esprits chagrins, ce n'est pas limité au patinage artistique.
Je fais part ici de mon expérience, bien sûr cela requiert de me faire confiance ou d'essayer par soi-même car rien de cela n'est scientifiquement prouvé. Mais un coach, s'il doit avoir un esprit critique, n'a pas le temps de la science. L'entraînement c'est ce qui rend meilleur là tout de suite.
C'est là que ça se gagne